Le SIEL, rendez-vous annuel incontournable de l’édition au Maroc, se tient cette année à Casablanca du 13 au 23 février pour sa vingtième édition, à l’Office des Foires et Expositions de Casablanca, en face de la mosquée Hassan II. Pour cette année, le prix à l’entrée est passé de 5 à 10 dhs, et certains exposants font remarquer ironiquement qu’en effet, « ils ont arrangé les toilettes ». A l’intérieur, l’intense activité, surtout les jours de weekend, démontre que les Marocains ont répondu présents.
L’Afrique à l’honneur
Cette année, le SIEL a offert une place de choix à l’Afrique. Le CCME, Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, a placé son grand stand de 270m? sous le thème « L’Afrique, aux sources de la mobilité ». Avec un focus sur le retour aux origines, et les problématiques de la migration et des mobilités, le CCME a organisé une série de conférences, séances débats, tables rondes et rencontres avec des auteurs, qui a vu la présence d’une centaine d’invités, venant de 25 pays, dont 13 africains.
A côté de ceci, de nombreux éditeurs africains et du monde arabe ont installé des stands à l’occasion du salon, présentant une littérature et une culture encore très méconnues au Maroc. Un peu plus loin, un stand géant, dédié aux Droits de l’Homme, et en partenariat avec l’Unicef, qui aura été le théâtre de nombreuses rencontres et conférences traitant de la problématique des droits humains sur le continent.
Les pays européens étaient également présent au SIEL, notamment l’Espagne, à travers une forte activité de l’Institut Cervantès, et bien évidemment la France, dont de nombreux éditeurs ont installé des stands. Les éditeurs français, en plus de présenter leurs collections, ont organisé de nombreuses sessions de rencontres avec les auteurs, comme Tahar Ben Jelloun, et nombreux ont été les visiteurs ayant fait la queue pour faire signer un livre par son auteur.
Une vitrine de prestige pour les éditeurs marocains
Selon les éditeurs marocains que La Nouvelle Tribune a rencontrés, la raison principale de l’installation d’un stand au SIEL est le prestige. En effet, la location étant chère (450 dhs/m? HT pour un stand vide, et 720 dhs pour un stand pré-aménagé), le chiffre d’affaires qu’amène le salon compense en général à peine les coûts engendrés, mais c’est une manière de se faire connaître. Les visiteurs ont ainsi pu découvrir les catalogues de l’édition marocaine, avec des livres en français, en arabe, et en amazigh. Les proportions sont voisines chez tout le monde, à savoir environ 70% de livres en arabe, le reste en français, et quelques titres en amazigh. Certains éditeurs regrettent que seules les écoles publiques aient envoyé des élèves pour visiter le salon : « Les jeunes élèves viennent visiter mais ne peuvent rien acheter. Nos livres pour enfants coûtent 50 dhs, c’est bien trop cher pour eux ».
M. Jad Hoballah, Directeur département édition et distribution pour Afrique Orient, nous détaille ses activités : « Nous publions de 80 à 100 ouvrages par an, qui sont chacun tirés à 1500 exemplaires. Parfois, nous avons besoin de 2 à 3 ans pour tout écouler. En général, les livres en arabe se vendent deux fois plus vite que ceux en français ». Il nous apprendra également que Rabat, par exemple, est une ville où la littérature se vend mieux qu’à Casablanca, et qu’un auteur marocain se vendra beaucoup plus dans sa ville d’origine.
Comment les éditeurs marocains font-ils pour compenser la faible consommation littéraire du pays ? Tout d’abord, certains formats sont plus rentables, comme les beaux livres. Mais la source principale de revenus des éditeurs sont les titres éducatifs, ce qui explique la grande proportion d’ouvrages scolaires ou universitaires que l’on trouve dans les rayons. « C’est l’Etat qui, indirectement, nous achète notre production », explique un éditeur, « à chaque rentrée, nous vendons directement aux librairies, et les écoles se fournissent chez eux. L’Etat finance ensuite les écoles, qui paient les libraires, qui nous paient ». Si ce système est une manne financière vitale pour les éditeurs du Royaume, puisqu’il peut représenter jusqu’à 85% de leur chiffre d’affaires annuel, sa lenteur est parfois handicapante : « Nous avons écoulé tout notre scolaire en septembre, mais aujourd’hui nous attendons toujours d’être payés », poursuit-il.
L’avenir du livre est-il en ligne ?
« Si les Marocains lisent si peu, c’est parce qu’ils ont très peu d’endroits où ils peuvent acheter des livres », explique M. Mathieu Malan, fondateur du site de vente en ligne Livremoi.ma, qui se targue d’être la première librairie en ligne au Maroc. Ce site commercial propose en effet l’intégralité du catalogue d’Amazon, que l’on peut commander et payer avec une carte bancaire marocaine, pour se faire livrer dans tout le Royaume. « Nous avons tous les éditeurs français, et la majeure partie des éditeurs marocains. Nous avons un avion, voire plus, par semaine pour nous fournir, donc nous assurons 80% de nos livraisons en 10 jours ». Le site possède pour le moment un showroom à Casablanca, dont l’ouverture a été nécessaire, car « beaucoup de gens manquent encore de confiance dans les paiements en ligne et la livraison à domicile, donc beaucoup précommandent et viennent payer et récupérer leurs livres sur place ». M. Malan nous apprend également que les Marocains sont très friands des ouvrages sur le développement personnel, et que les couples qui ont ou attendent un enfant dévalisent le rayon jeunesse.
Pour faire face au manque déplorable de librairies bien fournies dans le Royaume, la vente en ligne, et éventuellement les livres électroniques, pourrait être la piste à explorer pour développer chez les Marocains l’habitude de la lecture, qui est un maillon essentiel de l’épanouissement personnel.
Selim Benabdelkhalek